Le design digital en 2019

David Serrault
8 min readJan 7, 2019

--

Début d’année : C’est le moment de faire le bilan de ce qui me reste le plus en mémoire du flux continu d’actualité numérique en 2018. C’est l’occasion de me projeter dans ce qui pourrait impacter mon travail et ma vie quotidienne d’utilisateur en 2019. Ce ne sont pas des prédictions (Je m’en méfie). Plutôt des objectifs, des sujets à suivre avec attention et quelques convictions.

2019 : Les interfaces frugales

La consultation des tendances de l’agence Fjord est devenue l’un de mes petits rituels de fin d’année (https://trends.fjordnet.com/trends/). Toujours très claires, bien structurées et agréables à parcourir. Deux enjeux m’ont particulièrement intéressés pour 2019 parce qu’ils questionnent la manière dont je pratique mon métier depuis pas mal d’années .

Les designers des réseaux sociaux, Facebook en première ligne, ont été mis en face de leurs responsabilités et des phénomènes d’addictions que semblent provoquer certaines astuces de conception. Scroll illimité des flux d’actualités, notifications systématiques, injonctions à interagir, contribuent à maintenir les utilisateurs collés aux interfaces malgré un retour sur le temps investi parfois discutable. C’est une charge mentale, souvent subie plutôt que choisie qui répond aux objectifs d’engagement et de captation de l’attention.

Je m’étais sans doutes trop peu posé la question de l’impact environnemental de mes choix de conception jusqu’à récemment. En 2018, la folie spéculative autour du blockchain a pris le dessus sur son impact écologique. En 2019, on continuera à parler du cout énergétique des outils digitaux. C’est sans doutes beaucoup un enjeu de « backend » : Performance et localisation des machines, source de leur approvisionnement électrique, efficacité du code, des requêtes. En front, le choix d’une couleur ou d’une image fait-il une différence ? Je ne sais si le fait de limiter le nombre de requête vers les serveurs, le poids des applications, le nombre de calculs nécessaires pour afficher un écran, représente assez d’énergie pour faire bouillir une tasse de thé à chaque connexion àune application. Mais à grande échelle, sur les millions d’accès de services utilisés au quotidien par un grand nombre de personnes, je suis persuadé qu’il est possible d’avoir un impact significatif.

Ceci m’incitera à faire preuve dans mon travail de plus d’éthique et de rigueur en allant dans le sens d’encore plus de simplicité.

2019 : Design Ops wanted !

La profession de designer n’a pas fini de s’inventer et j’ai récemment découvert avec délice un nouveau rôle chez Spotify sur le magnifique blog de leur équipe design https://spotify.design/team/. Le “Design Ops”. Pourquoi cette expertise m’intéresse particulièrement ? Parce qu’elle répond clairement à un déficit de compétences (ou de valorisation des personnes qui les détiennent) que j’ai identifié dans la plupart des grandes organisations dans lesquelles j’ai travaillé.

Il faut diffuser les méthodes de l’UX design : l’empathie pour les utilisateurs, transformer en profondeur la manière de concevoir l’expérience client, rationaliser la conception des produits par toutes les approches quantitatives et qualitatives que peut nous apporter la pensée design.

Mais ce qui fonde le design dans une entreprise, au quotidien, c’est aussi la capacité à mettre systématiquement des interfaces de qualité entre les mains des utilisateurs, qu’ils soient clients, prospects ou collaborateurs de l’entreprise.

A mon avis, le principal révélateur des entreprises digitales VS celles qui le revendiquent mais ne le sont pas.

Ceci passe par l’industrialisation du design et c’est là que le Design Ops intervient : Intermédiaire nécessaire entre la conception et le développement. Responsable de la maintenance, de l’évolution du design system de l’entreprise et de son implémentation sous forme de composants dans les produits digitaux. Il choisi les outils qui permettent la collaboration efficace entre les designers et les développeurs. Bref, contribue à ce que le design s’intègre dans la durée dans les processus de l’organisation et qu’elle se matérialise en bout de chaine dans l’expérience vécue par les utilisateurs.

PS : un role déjà décrit en 2017 sur l’excellent et très synthétique post d’Andy Budd

2019 : Mobilité, en route pour l’anarchie

Quelle année pour les services de mobilité !

  • #Fin d’autolib. A mon grand regret car malgré tout ses défauts, il n’y a pas à ce jour et à ma connaissance, de remplaçant valable en termes de couts de praticité et de zone de couverture du service.
  • #Fiasco de la reprise de Velib à Paris par Smovengo qui se conclue fin de cette année par une pénalité de 8 millions d’euros et une baisse de sa rémunération de 22 millions d’euros. L’opérateur survira t’il à l’année avec 1/3 des revenus prévu ?
  • #Fail d’OFO et quelques autres opérateurs de vélos en accès libre qui auraient découvert à leurs dépend que les utilisateurs latins sont peut être moins précautionneux et moins respectueux du bien collectif que ceux des pays asiatiques.
  • #WTF des services de location trottinettes électriques free floating. Petits services bien pratiques auquel j’ai pris gout (L’application de Lime est plutôt bien faite). Et oui, comme tout le monde, je m’en sert un peu n’importe comment et sans casque…(South Park ne s’est une foi de plus pas privé de moquer la tendance) Une croissance virale appliquant la règle du premier qui sature le marché à gagné en assumant qu’il vaut mieux demander pardon que la permission.

Stations de recharge électrique en ruines, épaves de vélos abandonnées, trottoirs encombrés de deux roues de formes et natures diverses, voire, trottinettes utilisées comme projectiles contre les forces de l’ordre pendant les manifestations des gilets jaunes à Paris. La bulle des services de mobilité urbaine n’en fini pas d’éclater avec, à la différence de précédentes révolutions digitales, un impact très tangible sur l’espace urbain.

Au milieu de ce cahot, je trouve que l’on voit peu les acteurs historiques de la mobilité (Transilien, RATP, Veolia Transdev, constructeurs automobiles…). Attendent-ils la fin des expérimentations pour riposter avec des services de micro-déplacements innovants et durables et s’imposer dans la phase de consolidation à venir ?

“Ok 2019”

Les enceintes connectées était le cadeau technophile de noël 2018. A l’assaut des têtes de gondoles, on peut s’attendre à de nombreuses activations en début d’année.

Ces terminaux connectés vont supplanter les chatbots. C’était une des grandes tendance digitales en 2016 et 2017 mais l’excitation est je crois pas mal retombée. Faute selon moi à des intelligences conversationnelles pas tellement intelligentes et des interactions textuelles pas tellement pratiques comparées à leur équivalent graphique, tactile ou PC, en dehors des transactions très simples.

La persévérance de certains acteurs comme Oui SNCF avec son excellent Bot https://www.oui.sncf/bot devrait finir par payer. Mais moins dans la version textuelle que dans son intégration au sein des assistants vocaux d’Apple, Google, amazon ou dans un premier temps Orange (Annoncé en décembre 2018)

Dans l’évolution des interfaces conversationnelles, les chatbots sont pour moi une étape vers les interfaces vocales qui s’intégreront dans une multitude de terminaux connectés aux interactions sans contact.

2019 : La convergence des identités numériques et des données personnelles

La protection des données personnelles des utilisateurs des services digitaux a été au coeurs de nombreux projets en 2018. Efforts motivés par l’obligation de mise en conformité au regard de la réglementation Européenne GDPR https://eugdpr.org/ . Enjeu juridique, technique, mais aussi de conception.

En synthèse, cette loi contraint les fournisseurs de services à demander le consentement explicite aux utilisateurs pour l’utilisation de ses informations des personnelles ainsi que la possibilité de le retirer facilement et à tous moment (Par exemple : un email, un nom, une adresse, un cookie laissé dans un navigateur… sont des données personnelles). La possibilité d’accéder à ces informations. Le droit de les supprimer définitivement ou de les récupérer pour les utiliser ailleurs.

Un sujet passionnant pour les designers car c’est tout un nouveau périmètre fonctionnel au sein qu’il faut concevoir au sein d’applications souvent complexes en appliquant une réglementation qui n’est pas encore intuitive pour les utilisateurs mais qui impose en même temps de faire simple.

En parallèle, j’ai suivi l’initiative longtemps attendue du gouvernement de créer un identifiant unique et portable. https://franceconnect.gouv.fr/

Une plateforme ne rassemblant à date que quelques grandes entreprises françaises et me semble t’il n’est qu’un tout petit premier au regard du volume croissant d’informations qui sont requises et manipulées en ligne. Derrière l’identité numérique se trouvent toutes les données personnelles, voire très personnelles qui permettent de développer des services à valeur ajoutées. Le manque de portabilité et interconnexions et l’hétérogénéité des interfaces qui permettent de les gérer sont un facteur d’incompréhension et de méfiance de la part des utilisateurs.

L’émergence de plateformes indépendantes, éthiques et décentralisées comme https://www.brickchain.com/ serait une belle option. Développées en mettant la sécurité mais aussi la facilité d’usage au coeur de leur processus de conception, elles pourraient rétablir la confiance, via le design.

2019 : I.A-rtefacts

L’intelligence artificielle a progressé a une vitesse fulgurante en quelques années. L’un des aspects les plus visible est la capacité des architectures conçues sur la base de réseaux de neurones à reconnaître des images avec des performances qui commencent à surpasser les notre, mais aussi à en créer.

Ici, des chercheurs de chez Nvidia ont entrainés des algorithmes à construire des visages à partir d’autres visages et le résultat est bluffant.

Source : The Verge

Pourquoi cette performance technique n’est pas anodine et un peu dérangeante ? Nous sommes profondément habitués à appréhender la photographie (Littéralement photo-graphie : dessiné avec de la lumière) comme la représentation d’un sujet réel. Même si l’on sait ce média sujet à manipulations par la transformation que se soit par des traitements informatiques ou simplement en utilisant le signe hors de son contexte d’origine. Hors, dans cet exemple (et dans de nombreux autres nommés parfois poétiquement rêves de réseaux de neurone) on doit faire le deuil de ce lien entre l’image et le référent réel. Car en somme, les personnes que l’on voit ici n’existent pas. Ce sont des images de synthèse quasi impossible à discerner de photographies réelles et produites avec un minimum d’intervention humaine.

Concrètement, cela va nous amener à douter encore plus des images et nous plonger encore plus dans une ère ou toute information même supportée par des « preuves » visuelles sera très difficile à vérifier.

Plus concrètement encore, j’imagine que bientôt, les banques de photos libre seront moins des archives de photographies indexées par des moteurs de recherche que des outils de génération d’images. Quel changement pour les graphistes ! Il ne s’agira plus de rechercher tel type de sujet, telle action, dans tel environnement, puis éventuellement de les retoucher plus ou moins soigneusement. Demain, les photographies seront créées à la demande en tenant compte des critères demandés.

Et cela ne s’arrête pas aux photographies de sujets humains, l’intelligence artificielle peut aujourd’hui transformer des paysages, créer des animaux, des voitures, des films

Et demain, des interfaces d’applications ? < Le design d’interactions génératif est un sujet qui m’intéresse énormément et que je promet de creuser.

Belle année 2019 !

--

--

David Serrault
David Serrault

Written by David Serrault

Design Director @BPCE GROUP, top French bank, specializing in Artificial Intelligence & scaling design. #AI | #UXDesign #Leadership

No responses yet